Baptisé en prison

Condamné à 30 ans, il a trouvé la vraie liberté en prison !!

Ce témoignage a été mis sur le site LUEUR.ORG où vous trouverez plusieurs traductions de bibles, que vous pourrez comparer, et bien d’autres ressources encore comme des témoignages.

Écrit il y a quelques années, je vous laisse celui-ci

Bernard Delépine, Aumônier à la Maison d’Arrêt d’Angers : La première fois que j’ai rencontré Jean-Luc, c’était sur la demande d’un policier travaillant dans une brigade criminelle. Il voulait que je dise à l’assassin de sa sœur qu’il lui pardonnait son acte.
De là est parti tout un cheminement pour Jean-Luc qui a écrit ce témoignage à l’occasion de son engagement à suivre le Christ en prenant le baptême. Jamais auparavant je n’avais accepté de baptiser un détenu, mais là… vu les circonstances et la longueur de la peine !!!

 

Jean-Luc

Jusqu’à l’âge de 26 ans, ma vie avait été celle de beaucoup de personnes. J’ai été élevé au sein d’une famille de 3 enfants, mon père était à la tête d’une entreprise dans le bâtiment et ma mère était femme au foyer, dévouée à l’éducation de ses enfants et au petit soin pour son mari. Notre enfance et notre adolescence ont été merveilleuses. Nos parents nous ont toujours associés à leurs activités, leurs loisirs, leurs vacances ou leurs sorties. Je n’ai pas le souvenir d’avoir eu un  » non  » comme réponse à toutes nos demandes. Nous étions aimés d’eux.

Ma scolarité dans des écoles privées catholique s’est déroulée sans encombres si ce n’est que je me reposais sur ma facilité d’apprendre et d’enregistrer, ce qui me laissait énormément de temps pour être le pitre de service en osant tout ce qui me passait par la tête et faisant rire la classe et l’école. Si on pouvait me reprocher mes écarts de conduite, ceux-ci étaient vite oubliés à la simple lecture de mes carnets de notes. Mon frère et moi avons été enfants de cœur au sein d’une communauté « de petites sœurs des pauvres « . Nous participions également à de nombreuses retraites spirituelles avec notre église ou avec l’école. Cela dit, personnellement je n’ai pas le souvenir d’un intérêt particulier pour le Seigneur sinon que de faire plaisir à mes parents et de me permettre de me retrouver entre copains pour plusieurs jours.

La vie était belle et répondait à ce que je demandais à l’époque. Les valeurs de mes parents perduraient et ne pouvaient m’amener que vers un bonheur identique au leur : travail, passion, amour, disponibilité, famille. En 1987, je me mariais à une femme belle, intelligente, d’un milieu artistique et musicien, mais surtout avec les mêmes attentes de la vie. Nous avons eu deux enfants.

Pour des raisons encore floues, j’ai remis en question toutes mes certitudes sur la vie et le début de six années de descente aux enfers commençait. La seule chose dont je suis sûr, c’est d’avoir paniqué, d’avoir eu peur de ne pas être à la hauteur pour subvenir au besoin de ma famille. Ma femme, une femme formidable, m’a soutenu jusqu’à épuisement et en 1995 nous avons divorcé.

Descente… en enfer

Je vais vous faire grâce de tout mon cheminement mais simplement vous énumérer mes qualificatifs ; menteur, voleur, escroc, manipulateur, mauvais mari, mauvais père, mauvais fils, en un mot: à ne surtout pas croiser.
J’étais semblable à un iceberg, la partie extérieure inspirait confiance, une silhouette toujours propre, prêt à rendre service, une culture générale assez large alimentée par ma curiosité et de ma soif de découverte, une expérience commerciale plus que probante, …
Mais j’avais aussi une plus grande partie immergée qui ne se voyait pas. En même temps que je parlais à une personne, je la décortiquais littéralement l’amenant à se dévoiler. Je gagnais la confiance des gens très vite, sachant me rendre indispensable et n’ayant qu’une idée en tête : il faut que j’en tire le maximum d’argent.
J’étais aussi un vrai caméléon m’adaptant aux situations ou aux personnes que j’avais en face de moi afin de mieux profiter d’eux.

En fait, je n’avais plus de limites, plus de repères, je m’auto-détruisais à petit feu mais sûrement. Pourtant, un jour j’ai décidé que la vie était une grande aire de jeu et que c’est moi qui fixerais mes règles. Croyez-moi je n’ai épargné personne, toute ma famille, mes amis d’antan, ma femme et indirectement mes enfants.
Malgré notre divorce, mon ex-femme m’a toujours laissé voir mes enfants aussi souvent que je le désirais, c’est certainement ce qui m’a empêché de basculer dans le vrai banditisme.

Pour être tout à fait honnête, j’étais mal dans cette peau, j’avais un mal de vivre, je ne m’estimais plus et ne respectais absolument plus personne.

L’irréparable

Le 03 décembre 1996, après une journée dans les bars et à traîner en ville, je suis rentré chez moi, j’ai rendu visite à une voisine. Peu de temps après, je lui ôtais la vie.

Aussi bizarre que cela puisse paraître, quand on m’a posé la question si j’étais l’auteur de ce drame, j’ai senti que la libération était proche. J’ai pris une énorme bouffée d’air et j’ai dit « oui ». Ce oui m’a enfin libéré d’une carapace qui devenait trop lourde à porter. Je suis rentré en paix en prison. Au lieu d’être accablé sur mon sort, je pensais à cette jeune femme à qui j’avais enlevé la vie et me disais que la vie n’était pas juste.

La prison

Au début de mon incarcération, j’ai ressenti le besoin de me confier, de partager avec quelqu’un mon parcours et d’essayer de comprendre. Je me suis rendu à la messe du dimanche matin. De vieux souvenirs ont réapparu mais également un non-sens au moment de la communion: comment peut-on nous présenter, enfin me la présenter alors que je suis un meurtrier. J’y suis retourné plusieurs fois, uniquement pour rencontrer un ami que je n’avais pas vu depuis longtemps.

Une rencontre qui change la vie

Un jour, on m’annonce qu’un pasteur veut s’entretenir avec moi. Je suis étonné, je sais simplement qu’un pasteur ce n’est pas un vrai curé, c’était Bernard. Il se présente puis rapidement me dit qu’il est chargé d’un message du frère de la victime. Son message était simple: le frère de la victime te dit « je te pardonne ». Je n’ai pas la date exacte mais c’était quelques mois seulement après que j’ai tué sa sœur.
Depuis cette seconde, une seule question m’obsédait, comment ce frère pouvait me pardonner. J’ai revu Bernard plusieurs fois et toujours avec joie mais aussi curieux de l’entendre. L’élément qui a vraiment permis à ma vie de changer est ma rencontre avec d’autres détenus participant au culte protestant du samedi après-midi. Michel dans un premier temps puis Jean.

Plus le temps passait, plus je lisais la Bible, plus je me posais de questions. J’avais une seule certitude, il fallait que je reconnaisse mes péchés devant Dieu et que j’en demande pardon.

Confession !

Vieux réflexe, j’ai demandé à Bernard s’il voulait recevoir ma confession, il m’a proposé de la mettre par écrit. Seul dans ma cellule, je me suis rapidement rendu compte que c’était impossible tellement j’avais commis de mauvaises actions. J’ai pris l’engagement de reprendre ma vie et d’avouer toutes mes fautes, de la plus insignifiante à la plus horrible. J’ai demandé pardon pour chacune d’elles mais encore aujourd’hui le passé refait surface et j’en découvre une de plus. Je ne sais pas si un jour je pourrais dire « Seigneur, cette fois c’est la dernière ».

Longtemps, j’ai pensé que le Seigneur ne m’avait pas pardonné et il m’est arrivé d’avoir l’impression de reculer de trois pas alors que je venais d’en faire un. J’avais beau prier, il ne se passait rien. Régulièrement, Bernard permettait à des chrétiens de venir témoigner de leur foi au culte du samedi, leurs témoignages étaient souvent extraordinaires et j’ai même douté de leur véracité. Bernard et Michel m’ont été d’un grand secours dans ces moments là.

Libre

Un jour, j’ai simplement pris conscience que j’étais serein et que j’avais le cœur en paix.

Le Seigneur vous touche n’importe quand, moi il m’a surpris un dimanche soir durant lequel j’ai vidé toutes les larmes de mon cœur. J’ai été entouré d’une force impressionnante, incapable d’esquisser le moindre geste, la moindre réaction. Il m’a fallu un temps fou pour reprendre mes esprits et petit à petit un changement s’est opéré en moi.
Je suis sûr que certains d’entre vous sont surpris par ce baptême. La seule chose que je peux vous dire c’est que je suis libre, que la plus belle chose que j’ai faite c’est de donner ma vie au Seigneur.
Je suis condamné à trente ans de prison et c’est moi qui remonte le moral à ceux qui ont six mois à faire.

Aujourd’hui, je suis certain que le Seigneur est vivant et qu’il est mon Dieu. Je suis mort avec le Christ sur la croix mais je suis aussi ressuscité avec lui d’entre les morts.
La porte du Seigneur est ouverte pour tout le monde, bon ou mauvais, coupable ou innocent, ce n’est pas une porte de prison qui se referme derrière nous toutefois, le Seigneur n’impose rien à personne.

Tous les jours, Satan me tente. Il m’arrive de craquer et de faire ou dire des choses que je regrette immédiatement. Je ne suis qu’un homme et le fait de lui donner ma vie, ne rend pas celle-ci plus facile. Le Seigneur sait que l’homme est faible alors si je n’hésite pas à lui demander qu’il réponde favorablement à mes prières, je n’oublie pas non plus de lui demander également de me ramener sur le droit chemin. Sachons demander des choses très simples.

Je finirais sur les versets 1 et 4 du psaume 27 :

Le Seigneur est ma lumière et mon sauveur, je n’ai rien à craindre de sa personne. Le Seigneur est le protecteur de ma vie, je n’ai rien à redouter. (Ps 27.1)
Je ne demande qu’une chose au Seigneur, mais je la désire vraiment : c’est de rester toute ma vie chez lui, pour jouir de son amitié et guetter sa réponse dans son temple. (Ps 27.4)

Jean-Luc, Angers

Message du frère de la victime

A l’occasion de ce baptême, 12 personnes de notre église protestante baptiste ont pu entrer à la prison pour cette célébration.

Un message du frère de la victime reçu par Bernard juste avant sa rentrée à la prison a été lu:

« Les choses anciennes sont passées. Le Seigneur a dissipé l’obscurité.
C’est un nouveau jour, une nouvelle marche vers la Lumière, vers l’avenir.
Que le Seigneur notre Dieu te bénisse abondamment mon frère.
Avec toi dans ce jour de joie »

Papa, tu vas mourir !

Aumônier au CHU d’Angers, on me demande d’aller visiter un homme. J’y vais le lendemain de l’appel, c’était un dimanche après-midi. Arrivé dans la chambre, il y a là un homme âgé de 40 ans qui râle de souffrance. Autour de lui, sa fille adolescente de 17 ans, son compagnon et son ex-femme. Je me présente. « Bonjour, je suis le pasteur Bernard Delépine, vous avez demandé ma visite ». Sa fille est soulagée de me voir : « merci d’être venu »

La suite est surréaliste, il y a peu de phrases mais ça dure ‘une éternité’. L’homme ne sait plus comment se mettre dans son lit, il parle lentement, avec difficulté, poussant des râles de souffrances.

Un dialogue vraiment hors du commun
La jeune fille se penche vers son père :
– Papa, nous t’avons dit que nous avions demandé à un monsieur de passer te voir, il est arrivé, c’est lui.
Ha bon, dit son père, pourquoi il est là ?
– Parce que tu vas mourir papa
Ha bon je vais mourir, mais pourquoi ?
– Parce que tu as un cancer, les médecins ne peuvent pas t’opérer !
Ha bon pourquoi ?
– Parce que c’est trop tard
Elle sanglote tant que c’est son jeune compagnon qui continue
– Oui Pierre (nom d’emprunt), ce monsieur est pasteur, il va t’expliquer comment faire
Mais comment faire quoi ? dit-il toujours au milieu de ses râles
– Comment partir
Mais partir où, moi je veux rentrer à la maison
– Non Pierre, tu ne peux pas renter à la maison tu vas partir là-haut
Là-haut, mais où là-haut ?
-Tu vas monter là-haut, car tu vas mourir et le monsieur va te dire comment faire pour y aller

Après beaucoup d’embrassades et de larmes des deux jeunes, son ex-femme dit « désolé, nous devons partir prendre un train ».

Tout le monde s’en va, je reste seul avec Pierre
Bien que ce que je viens de vivre est tellement surréaliste, je n’en suis pas déstabilisé.
Etant seuls, nous entamons la conversation…
– Alors je vais mourir ?
Il semble que oui
– Vous n’en savez pas plus alors ?
Non parce que je ne suis pas allé voir les infirmières pour demander où vous en étiez, mais vous savez, si votre fille vous dit cela, c’est que le personnel médical lui aura dit
– Je suis si mal que ça ?
Oh oui, vous n’êtes pas au mieux de votre forme, disons même que vous êtes au plus bas. Puisque je suis là, avez-vous avez la foi en Dieu ?
Il me raconte avoir voulu être prêtre lorsque, petit, il était servant de messe. « Il y a bien longtemps lui dis-je, depuis votre vie n’a pas été facile ». J’avais bien vu par son teint jaunâtre qu’il était atteint d’une cirrhose du foie

Je ne mérite pas
Je lui parle de l’amour de Jésus pour lui, de son pardon
– « Je ne le mérite pas »
Je le sais Pierre, personne ne mérite l’amour ou le pardon de Jésus, même moi qui suis pasteur, ce n’est pas une question de mérite.
Je lui parle alors d’un des deux brigands crucifiés en même temps que Jésus. Il en avait un vague souvenir. Je continue « Pierre, Jésus a dit à l’un des deux qu’il le prendrait avec lui au paradis ce jour même, du fait de la confiance qu’il a placée en Lui. Cet homme n’a eu ni le temps de se confesser, ni de se racheter d’aucune manière et pourtant, Jésus l’a pris au paradis avec Lui »

Lui demandant s’il accepte que je prie pour lui, comme il me le permet je demande à Jésus de pardonner tous ses péchés, de lui venir en aide durant ces jours difficiles devant lui, de garder sa fille,…
Durant ce moment de prière spontanée, Pierre comprend, acquiesce, des larmes coulent sur son visage, sans un mot il me serre la main comme pour dire qu’il accepte cette prière et qu’il m’en remercie.

Je le quitte pour revenir le lendemain. Il n’y a pas vraiment de conversation, je lui demande juste s’il à soif, s’il veut que je l’aide à s’assoir un peu mieux pour un meilleur confort, je tape sur le coussin et lui remet derrière, lui donne à boire… Je ne peux rien faire de plus. Il souffre et je sens qu’il souhaite rester seul, je m’en vais donc discrètement.
J’y retourne le mardi mais il est décédé quelques heures après mon passage de la veille.

La suite
Je téléphone à sa fille, elle me demande si je veux bien les attendre, elle et son compagnon, car ils voudraient le voir dans la chambre funèbre mais ils ont peur, ne savent ni comment ni quoi faire. Je les accueille peu après, les emmène.
Devant le corps de son père, elle me demande si je veux prier pour lui. Je lui explique ce que nous avions vécu le dimanche après-midi lorsqu’ils étaient partis, Lui dis pourquoi je ne prierai plus pour lui mais que je peux prier pour eux s’ils l’acceptent. Ne nous souciant pas de l’endroit où nous sommes, c’est ce que faisons.

Elle me demande si je peux m’occuper de la cérémonie de sépulture, ce que j’accepte.
Comme elle me dit leurs difficultés financières, je les rassure « je ne demande jamais rien ».
Ils ont eu du mal à prendre la décision du lieu de la sépulture, elle se fait donc directement au cimetière en présence d’une quinzaine de personnes à qui je raconte aussi comment Pierre a accepté la prière, le pardon et l’amour de Jésus.

la vie s'en va comme le jour

la vie s’en va… comme le jour

Accueillir dans notre famille un détenu atteint du SIDA afin qu’il meure chez nous plutôt qu’en prison !

Suivez cette incroyable histoire écrite par épisodes
Par le Pasteur Bernard Delépine, aumônier en milieu carcéral durant 24 ans
(1) Le personnage

J’ai rencontré Gérard d’une manière peu banale. Il y avait un petit mot dans la boite à lettres de l’aumônerie protestante de la Maison d’Arrêt d’Angers où j’ai exercé le ministère d’aumônier protestant.
Sur ce petit mot, Gérard demandait à rencontrer un rabbin ! Comme je n’en connaissais pas à l’époque, j’ai mis ce mot dans la boite à lettres de l’aumônerie catholique, pensant qu’elle en connaissait un et qu’elle ferait le relai. Mais le mot est revenu dans ma boite !

Je ne pouvais faire attendre cette personne plus longtemps, je suis allé au centre névralgique de la prison qui s’appelle « la rotonde » afin de visiter cette personne.
Ho mais tu ne peux pas, cet homme est au mitard (la prison dans la prison), il en a pris pour 45 jours, le max, pour avoir été violent envers nos collègues d’une autre prison, il est très dangereux ce gars-là.
Je rétorquais qu’en tant qu’aumônier, j’avais le droit de visiter tout le monde, y compris au mitard. Il a fallu que je menace d’aller demander au directeur en personne pour qu’enfin le surveillant accepte de me conduire jusqu’à sa cellule.

Au mitard
La porte en fer s’ouvre et, derrière une grille fermant le passage, j’ai vu un homme assis au regard pas très engageant « vous avez demandé un rabbin, désolé il n’y en a pas. Ne voulez-vous pas un pasteur en échange ? » Il se mit à sourire en acceptant la proposition et un « on peut toujours essayer ».
Le surveillant anxieux dit Je ferme la grille mais je laisse la porte entrouverte, s’il y a le moindre problème, tu cries ! Et moi de lui répondre « je n’ai pas peur de ce gars, tu peux fermer »
Plusieurs fois durant notre heure d’échange, le surveillant viendra vérifier si tout va bien.

Je m’assis à cote de lui sur son lit, nous commençons à discuter, d’abord pour les raisons qui l’amènent à vouloir rencontrer un rabbin. Il n’était pas juif mais voulait juste comprendre pourquoi le pays d’Israël, si petit, faisait autant parler de lui !!
Après explications, nous parlons de lui, de ce qui l’avait amené à la prison d’Angers, ce qu’il avait fait pour être au mitard pour si longtemps…

Je suis atteint du SIDA, j’ai été condamné la semaine dernière à 10 ans de réclusion criminelle. Je leur ai bien dit qu’ils ne me condamnaient pas à 10 ans mais à mort car ils savaient pertinemment que je ne pouvais aller jusque là, même avec les remises de peines.
En rentrant à la prison, j’ai été accueilli par un chef qui me demandait pour combien d’années j’en avais pris, puis souriant il m’a dit « toi tu ne sortiras jamais vivant d’ici ».
J’ai pété les plombs, toute la tension vécue aux assises est remontée… je lui ai mis un coup de poing et je me retrouve ici.
A vrai dire, ce qu’il pensait n’être un coup de poing fut en réalité un passage à tabac qui valut au chef plusieurs semaines d’hospitalisation puis d’arrêts. Il en a giflé un autre puis étant à l’étage, il a envoyé un troisième au-dessus de la rambarde qui, heureusement, a atterri dans le filet de protection !
Il avait tellement « pété les plombs » qu’il n’avait plus la notion de ses gestes.
Certes, je ne suis pas très grand mais Gérard lui, c’était vraiment une « armoire à glace ».
Il sera condamné à 2 ans de plus pour ce fait. (Ce que je comprends car les surveillants n’ont pas à subir)

Son histoire est tristement banale
Je résume ici ce qu’il a pu m’en dire, je ne suis pas allé vérifier mais nous étions assez proches pour qu’il me partage son parcours avec sa sensibilité, sa manière à lui d’avoir vécu les choses
Il fut le seul enfant de la famille à avoir été placé en institution, probablement dans un temps difficile que celle-ci traversait. Par discrétion, je n’en dirais pas plus.
Il prit comme une injustice, un rejet, un abandon… le fait qu’aucun de ses frères ou sœurs ne fut aussi placé. Pourquoi moi ??
Il commit des larcins, dont l’un le conduisit en prison alors qu’il n’avait que quatorze ans. Il avait écopé de 6 mois de prison ferme pour avoir volé… 6 bouteilles de champagne !
Le juge aurait dit « un mois par bouteille » ! Malicieusement Gérard disait « heureusement que je n’avais pas volé une boite de petits pois. Ils auraient eu la connerie de l’ouvrir et de me condamner à 1 mois ferme pour chaque petit pois !!! »

Toujours est-il qu’en prison très jeune, ceux qui l’ont « protégé » sont aussi ceux qui lui ont appris le métier de « braqueur de banque ».
Ce fut encore pour ce délit qu’il avait été incarcéré lorsque nous nous sommes rencontrés.

(à suivre)

Un noël à La Fraternité

Vivre seul c’est déjà difficile, le soir de noël c’est insupportable

Cet article est en cours de construction, il sera notamment question de l’action de solidaire  « Ne restez pas seul à noël » initiée par le pasteur Bernard Delépine. C’est à la prison, en tant qu’aumônier protestant, qu’il s’est rendu compte que pour beaucoup, cette soirée/nuit était la pire de l’année pour de nombreuses personnes.

En attendant plus de matière, vous pouvez lire un des multiples article de presse parus à l’occasion en cliquant sur >  Ne restez pas seul à noël

ou celui-ci « La fraternité pour adoucir la solitude à noel »

 

 

 

 

Annoncer à un détenu le décès de son bébé

Mon collègue aumônier catholique à l’hôpital m’appelle : « comme tu vas aussi à la prison, est-ce que tu peux t’y rendre en urgence pour voir un homme dont l’épouse vient d’accoucher. Il faut le prévenir qu’il n’est pas certain que son bébé survive ».
Bien que ce n’était plus l’heure de rendre visite, le chef me laisse voir ce jeune papa que je n’avais jamais vu. L’homme devient blême, il est abattu, anxieux et doit se rendre à l’infirmerie pour prendre des calmants afin de gérer sa situation. Il faut dire que si celle-ci est déjà difficile quand on est libre, elle prend des proportions énormes lorsque les personnes sont incarcérées, impossible de sortir voir son épouse et le bébé, l’attente de nouvelles est interminable.
Trois jours après, nouveau coup de téléphone,… je dois aller annoncer le décès ! L’homme voit déjà sur mon visage ce que je vais lui annoncer. Je lui promets de faire mon possible pour qu’il puisse avoir une permission de sortie pour aller voir son épouse et pour la sépulture. Je lui conseille de voir le prêtre de la prison pour organiser cette dernière mais il me répond qu’il n’est pas pratiquant. « Vous m’avez accompagné durant ces jours, pourriez-vous vous en occuper » je réponds par l’affirmative.
Je m’occupe donc de voir l’assistante sociale qui lui obtient une permission de sortie, je prends contact avec les pompes funèbres d’une ville à cinquante km de là.

Trois jours après, nous sommes quatre autour du petit cercueil blanc, le couple, mon épouse et moi-même. Le temps d’une petite médiation biblique. Le couple nous remercie. Bien qu’incarcéré à nouveau, l’homme n’assistera pas aux cultes du samedi.
Perte de temps m’a dit quelqu’un, « la compassion ne compte pas le temps mais prend soin des autres » ai-je répondu.
Bernard Delépine

Dans la prison «cocotte-minute» pourrissoir le foot ne suffit pas à approcher Dieu (1)

Indigne : à la Maison d’arrêt d’Angers, des détenus vivent à trois dans 9 m2. Alors, quand le pasteur déboule avec une équipe déjeunes « footeux » chrétiens, quelques tee-shirts en cadeau et un pot au bout du jeu, c’est toujours bon à prendre pour se vider la tête, à défaut de penser au bon Dieu.
« Aucun des détenus qui jouent, ce matin, ne vient au culte du samedi. Mais ces matchs de foot ne sont pas destinés à les y faire venir ». Bernard Delépine, pasteur de l’Eglise Baptiste et aumônier de la Maison d’arrêt d’Angers, n’est pas un cul bénit. Au-delà (ou en deçà) de la foi, il ne parle pas de l’ivraie dans le bon grain, mais simplement d’« humanité », d’« ouverture aux autres ».
« Je ne jette jamais la pierre aux détenus. J’essaie seulement de les convaincre de tout faire pour ne pas y revenir ».
Et il porte témoignage. Une fois l’an, avec de jeunes chrétiens adultes, membres de l’association « Sport et Foi » aux maillots barrés d’un Foot pour « Christ » il organise, au pied des hauts murs frisés de barbelés, un match visiteurs-détenus. A défaut de partager la même passion pour Dieu on partage la même pour le foot. Et comme dénominateur commun, on peut tomber d’accord sur les mots de «respect», pas de trucage ni de cinéma, sport propre : déjà un programme. Le «terrain», qui a beau être la plus vaste surface à ciel ouvert de rétablissement, n’est, au fond, qu’une espèce de losange ou d’un vaseux parallélépipède de 18 mètres de large sur 27 mètres de long doté de buts de hand. Et sur le sol (1/3 goudron, 1/3 béton, 1/3 falun), les joueurs apprennent vite à ne plus tacler.
« Ça va péter »
Au programme de ce samedi matin, cinq mini-matchs par équipes de cinq. Les visiteurs, d’abord déboussolés, ont forcément pris une pâtée (6-1) avant de finir la série honorablement (2-1). Mais on aura compris que les scores importaient peu.
Et Dieu dans tout ça ? Probablement qu’il doit faire une sale gueule. « Le foot – trois séances maximum par semaine – est une soupape de sécurité qui permet de déconnecter des tensions » commente, laconique, Patrick Aubert, le moniteur de sports.
Ce qu’il ne dit pas, c’est que la pression de la cocotte-minute qu’est devenue la Maison d’arrêt du Pré-Pigeon atteint son paroxysme. Au bout des galeries-coursives, les langues des surveillants, en sous nombre, se délient, parfois, en douce.
« Autant de détenus que pendant la guerre ! » glisse l’un. « A 400 détenus pour 240 places on se disait que tout allait péter : ce matin nous en sommes à 460 ! » renchérit un autre. « Tous les records sont battus. Et pour la première fois une quinzaine de cellules comptent trois détenus ! – rapporte un troisième. Nul ne parle encore de la grâce présidentielle qui pourrait décongestionner l’établissement, dans quelques jours.
Trois dans 9 m2, WC compris
Trois détenus, donc, dans 9 m2, tinettes comprises. « Alors on rajoute un matelas par terre ». Un détenu sur trois est sous antidépresseurs ; près d’un sur deux est suivi en psychiatrie ; près d’un sur dix peut être qualifié de psychotique. Sept détenus sur dix étaient alcooliques dépendants avant d’être incarcérés.  » Quinze jours de sevrage forcé en cellule et puis la liberté… Croyez-vous vraiment que le problème est réglé ? »
Les surveillants doivent affronter une situation « Inconnue il y a 10 ans » : des détenus * de plus en plus revendicatifs », un renforcement * des clans, des rivalités » et « quand ils refusent de regagner leur cellule, vous pouvez vous brosser… Ça peut durer ».
Dieu a du pain sur la planche.
Dominique Billaud

Les dessins « Art et Foi » de Michel (1)

Ces dessins ont été fait sous les crayons de bois de mon ami Michel à l’occasion d’une exposition « Art et Foi ». Celle-ci a réuni plusieurs artistes issus d’églises protestantes d’Angers. Merci encore à toi Michel

Autorisation requise avant d’utiliser ces dessins, merci

 

 

 

les dessins au crayon de bois de Michel (2)

Dommage que les photos ne rendent pas aussi bien que la réalité… !

Autorisation requise avant d’utiliser ces dessins, merci

 

 

 

 

 

 

 

 

Les dessins au crayon de bois de Michel (3)

Hommage à mon ami Michel, entre autre pour ses magnifiques dessins au crayon de bois

Autorisation requise avant d’utiliser ces dessins, merci

 

 

 

 

 

 

 

Des matches de foots en prison organisés par le pasteur (2)

Une équipe de foot étrangère, hier à la maison d’arrêt d’Angers. – Anglais contre détenus : match nul

Un match de foot un peu particulier. À la maison d’arrêt d’Angers, des détenus ont affronté une équipe anglaise protestante, hier. Une petite bouffée d’oxygène, à l’initiative de l’aumônier protestant Bernard Delépine.
On les aura !
9 h 30, hier, à la maison d’arrêt d’Angers. L’équipe de foot des détenus est remontée à bloc. Elle s’apprête à affronter des joueurs anglais de haut niveau, professionnels pour certains. Pas impressionnés pour autant, les joueurs locaux, tout excités. « On les aura, assure l’un d’entre eux, qu’ils soient pro ou pas. » Le match va se dérouler sur le terrain de hand-ball. Un peu petit, mais il faut faire avec les moyens du bord.
Coup de sifflet. La partie s’annonce serrée. « Certains détenus ont un très bon niveau », commente le moniteur de sport de la maison d’arrêt.
Mais les Anglais ne sont pas décidés à se laisser faire. Même s’ils sont en terre inconnue. «C’est la première fois que je mets tes pieds dans une prison, confie Lionel. C’est impressionnant.»
Même appréhension pour Richard. «Au départ j’avais un peu peur. Puis après, on se rend compte que c’est un lieu comme un autre. On a parlé avec les détenus. Ils sont très sympas.»
Sport et foi
Plus d’une dizaine d’Anglais se sont déplacés, membres de l’association internationale protestante « Sport et foi ». Ils sont venu, disent-ils,» To show thé good news ». Traduction : pour apporter la bonne nouvelle. Dans le cadre de leur tournée en France, Bernard Delépine l’aumônier protestant de la maison d’arrêt, leur a demandé de passer par là. «J’essaye d’organiser ce genre de rencontre une fois par an, dit-il. Les Anglais étaient déjà venus l’an dernier»

You played well !
Une véritable « bouffée d’oxygène » pour les détenus selon le pasteur. «Ça nous fait vraiment du bien de voir des gens de l’extérieur», confie en effet un prisonnier.
La maison d’arrêt compte actuellement 403 détenus, pour 247 places, selon la direction. Des tensions se font parfois sentir. Un gardien a été agressé cette semaine. «II y a toujours des périodes de tension, c’est normal. Et l’été, dit-il également, c’est encore plus dur pour les détenus qui étouffent de chaud. À la télé, ils voient les gens sur les plages, et eux sont enfermés là» dit Bernard Delépine
Surtout qu’à cette époque, les activités sont réduites. Pas de cours scolaires, pas de travail. Les détenus font donc beaucoup le sport. Une activité au choix, environ cinq à six heures par semaine. « C’est indispensable qu’ils puissent se défouler », dit un surveillant.

Et les Anglais leur en ont fourni une occasion supplémentaire, hier.
Des deux matchs, les invités en ont remporté un, et l’autre s’est terminé sur un score nul. Les Anglais, visiblement, ont apprécié le niveau. « You played well ! » (vous avez bien joué) concluait l’un d’entre eux, devant un verre de l’amitié, en serrant la main de son adversaire.
M.M.

Ballon derrière les barreaux (3)

Hier matin, l’équipe de football de la prison d’Angers rencontrait une autre formation de joueurs qui, eux, ne sont pas détenus. Ambiance de match pas ordinaire entre les barbelés.
SIFFLETS et cris amicaux sortent du néant. Ils semblent sortir des hauts murs coiffés de barbelés des galeries de la maison d’arrêt. En réalité, ils s’échappent des fenêtres à barreaux et grillagées des cellules où cohabitent souvent deux détenus. De l’extérieur, on ne les voit pas, mais on les entend donc !
Ces détenus, en ce vendredi matin, sont spectateurs d’un match de football pas ordinaire et supporters de leurs copains de tôle qui, ballon au pied, rencontrent une équipe d’hommes libres, ceux-là.
La partie a lieu sur le terrain de la prison, un terrain de handball, en béton, entre deux buts sans filet. Rien à voir avec la pelouse du SCO !
L’équipe visiteuse, des footballeurs espoir anglais, et l’équipe des détenus entament le match tambour battant.
Témoignage d’un joueur visiteur : « Je joue pour la première fois contre des prisonniers. Je n’aimerais pas vivre là ! » sourit Lionel, 19 ans, ex-joueur d’Angoulême. Avis d’un joueur détenu, domicilié à Joué-lès-Tours, qui a encore trois mois de peine à purger : « Le football, l’effort physique m’est indispensable ! »
« Se défouler à bon escient »
Le pasteur Bernard Delépine, de la communauté chrétienne du Colombier qui est l’église protestante baptiste d’Angers, aumônier depuis douze ans de la maison d’arrêt, est à l’origine de l’organisation, dans le cadre de l’opération « prévention été » du milieu pénitentiaire : « II est préférable de voir les détenus se défouler sur un ballon que sur leurs surveillants. »
Un autre projet, avec le Téléthon, est prévu. Bernard Delépine constate que l’été, le quotidien carcéral est plus difficile : « Les détenus regardent la télévision, voient des gens sur des plages où ils aimeraient bien être. »
Le directeur adjoint de l’établissement, M. Oliel, confirme : « La chaleur n’arrange rien. » Puis il rappelle que la surpopulation — 403 détenus pour 247 cellules — met tout le monde à cran, détenus comme le personnel. Et, la preuve, le sport bascule parfois dans la rubrique faits divers et justice.
Olivier POUVREAU

Récit du dernier guillotiné en public à Angers (1)

Le Pasteur Bernard Delépine, qui fut aumônier protestant durant 24 ans à la Maison d’Arrêt d’Angers, vous propose 5 épisodes (réflexion personnelle en conclusion) portant sur la dernière exécution à mort EN PUBLIC à Angers.   Articles parus dans le « Courrier de l’Ouest »  1er épisode

Pierre Gueurie, dernier capité en public en France

Pierre Gueurie, mort en 1934, est le dernier condamné exécuté sur la place publique à Angers. Amenés à évoquer cette affaire, il y a quelques mois, nous avons commis une imprécision sur le lieu où avaient été placés les bois de justice. Cela nous a valu un abondant courrier, preuve que cette décapitation est restée dans la mémoire de nombreux Angevins. Les témoignages que nous reproduisons encore aujourd’hui le confirment. Nous avons dû vérifier dans les archives du « Petit Courrier », prédécesseur, avant-guerre, du « Courrier de l’Ouest », les circonstances de la mort de Gueurie.

Location de fenêtres et siège pour le « spectacle »

Nous y avons trouvé une abondante littérature : les exécutions publiques faisaient recette. Quand on avait la chance d’habiter tout près, on louait ses fenêtres ou des sièges aux curieux. Gueurie mort, les exécutions auront lieu hors de la vue du public, dans l’enceinte de la prison d’Angers. Le chef-lieu de Maine-et-Loire sera d’ailleurs la dernière ville de France à avoir vu tomber la tête d’une femme. Pourquoi la mort de Gueurie reste-t-elle si ancrée dans les mémoires ? C’est la seule dont on puisse vraiment se souvenir en Anjou. La précédente remontait au 7 juillet 1896, 37 ans plus tôt. Il n’y a plus personne pour en témoigner aujourd’hui. La relation des circonstances du drame (l’assassin a tué une petite angevine), puis de l’installation de la guillotine et enfin de la mort de Gueurie, témoigne d’une époque. Le « Petit Courrier » se fait l’écho de l’horreur qui a assailli la population dans un luxe de détails que nous avons épurés. On découvrira cependant ici l’essentiel de l’événement tel qu’il fut présenté aux lecteurs angevins au moment où passa la justice. La dramatisation, le caractère théâtral de l’arrivée et de l’installation de la guillotine devaient dissuader les criminels en puissance. Le journal relayait. On sait bien depuis, que cette menace avait peu d’effets. La peine de mort a été abolie en France le 18 septembre 1981.

Gueurie guillotiné : le Petit Courrier raconte
Une exécution capitale à Angers, Pierre Gueurie, l’odieux assassin de Simone Soleau à Saint-Barthélémy a été guillotiné ce matin». Voilà le titre de l’édition du 3 mars 1934 du « Petit Courrier »« La dernière exécution capitale dans notre ville remonte au 7 juillet 1896. A cette époque, le nommé Charles Jouneau, qui, à coups de hachette, avait tué un enfant de 13 ans, le jeune Persignan, domestique de ferme à l’Hôtellerie-de-Flée, fut guillotiné place de la Prison » explique le journal. 37 ans et huit mois après, la « Veuve » revient à Angers et, cette fois encore, pour un homme qui a tué un enfant. Elle revient en effet pour Pierre Gueurie, l’assassin de la petite Simone Soleau.

Les crimes de Pierre Gueurie
II y a exactement trois mois et dix jours que le garçon épicier, Pierre Gueurie, âgé de 30 ans, comparut devant la Cour d’assises de Maine-et-Loire et fut condamné à la peine de mort pour tentative d’assassinat, assassinat et attentat à la pudeur. Les faits qui motivèrent cette peine capitale de la part du jury, nos lecteurs s’en souviennent certainement. C’était le 24 mars 1933, Angers était tout à la joie, et dans une fête charmante dans les bâtiments de la kermesse on couronnait la reine, lorsque le bruit se répandit en ville, comme une traînée de poudre, qu’une petite fille avait été assassinée dans un champ à Saint-Barthélemy. La presse précisait le lendemain qu’il s’agissait de la petite Simone Soleau, qu’un inconnu avait attirée dans un champ, au sortir de l’école et avait odieusement assassinée. L’émotion n’en fut pas moins très vive en ville et dans toute la région et l’indignation contre l’abominable bandit ne fit que s’accroître pendant les quatre jours que durèrent les recherches pour le retrouver. On se souvient des péripéties de cette journée du mardi 28 mars pendant laquelle toute la population fut sur pied, anxieuse, à l’affût du misérable que deux gendarmes étaient allés chercher le matin à l’épicerie Guibert et Quélin, rue de la Roe où il était employé et qui leur avait échappé en sortant par une porte de derrière. Enfin, au début de l’après-midi, on apprenait que Gueurie, reconnu dans un chemin, près du Génie, par Melle Chantreau, employée à « L’Iris de Florence » rue de la Roe, avait été arrêté rue de la Genvrie.

Ses aveux et son attitude en Cour d’assises
En Cour d’assises il fit des aveux complets et son attitude fut assez cynique, ne manifestant que très peu de regrets de ses actes. Il reconnut que dans la soirée du 24 mars, alors qu’il se promenait aux environs du passage à niveau 267 de la ligne d’Angers à La Flèche, commune de Saint-Barthélémy, avoir accosté un groupe d’enfants qui revenait de l’école et avoir entraîné dans un pré la jeune Simone Sauleau, habitant chez ses parents au Petit Mongazon et de l’avoir horriblement mutilée. Au fond de ce pré était creusé un fossé profond qui avait été récemment nettoyé et dans lequel il n’y avait pas de fleurs ; c’est dans ce fossé que fut découvert le cadavre de Simone Sauleau. Le corps était couché sur le côté droit, le bras droit se trouvait pris sous le corps, le bras gauche était replié, les jambes aussi légèrement repliées, dans une attitude de défense et dans une crispation d’agonie. (…) L’assassin s’était livré sur sa petite victime à des attouchements obscènes avant de la frapper sauvagement et de la tuer, le crâne était défoncé, le sang s’était abondamment échappé de cette blessure, le cou portait une plaie profonde de plusieurs doigts, à la fesse gauche une tranche de chair avait été découpée. Le bouquet de fleurs offert par Gueurie pour attirer la fillette a été trouvé sous le cadavre, auprès, un cahier d’écolière.

En ce qui concerne la tentative d’assassinat de la rue des Poëliers, il avoua que le 19 novembre 1932, vers 19 heures, il attaqua dans le couloir du numéro 1 de l’impasse des Poëliers, la jeune Lucienne Joret. Il l’embrassa, mais comme elle lui résistait et s’enfuyait en criant, il lui porta un coup de couteau dans le dos. Ce sont ces crimes qui menèrent Pierre Gueurie devant la Cour d’Assises.

Là, on apprit que cet individu portait à son casier judiciaire deux condamnations pour des faits d’agressions et d’attentats aux mœurs sur des fillettes.

Toutefois, lorsqu’il entendit l’arrêt le condamnant à la peine de mort, il eut une vive émotion. Il s’affala sur son banc. Cette décision de la Cour a été, on se le rappelle, accueillie par des applaudissements par la foule, venue suivre les débats et par celle massée aux abords du Palais de Justice. Elle fut accueillie avec satisfaction par toutes les mères de famille.

(À suivre)

Récit du dernier guillotiné en public à Angers (2)

Le pasteur Bernard Delépine propose le 2ème épisode que faisait « Le Petit Courrier » des heures ultimes de la vie de Gueurie, dernier guillotiné d’Angers

Gueurie dans sa cellule espère sa grâce
Pierre Gueurie remonta vite son émotion et trois jours après il signait son pourvoi en Cassation.
Plus tard, en même temps qu’il apprenait que son pourvoi avait été rejeté, il fut avisé que son dossier avait été transmis à la Commission des grâces. Puis il n’entendit plus parler de rien. Et c’est vraisemblablement ce mutisme qui, jusqu’à la dernière minute, lui fit croire qu’il serait gracié. Dans sa cellule, il ne cacha pas qu’il avait confiance et qu’une fois à la Guyane il se conduirait bien et qu’il espérait revoir sa femme. Depuis dix jours surtout, il était devenu très loquace avec ses deux gardiens. Il chantait et jouait aux cartes.

Maître Pecquereau à l’Elysée
Ainsi que nous l’avions annoncé lundi dernier, M. le Président de la République (NDLR : Albert Lebrun) a reçu à l’Elysée Me Pecquereau, qui, aux Assises, avait défendu l’assassin. Sa réception a été empreinte d’une grande affabilité de la part du chef de l’Etat, qui, pendant plus d’une demi-heure le questionna sur les débats de l’affaire en Cours d’assises et lui demanda des renseignements sur la mentalité de Pierre Gueurie. M. le Président de la République le congédia ensuite sans lui avoir donné son avis. Hélas ! Dés son retour à Angers, Me Pecquereau ne se faisait guère d’illusion sur le cas de son client. Il ne s’était pas trompé ! Car jeudi, dans la nuit, nous étions avisés que les bois de justice partaient pour Angers

La guillotine en gare Saint-Laud
Le vieux fourgon – toujours le même depuis plus de 30 ans – contenant la guillotine, est arrivé vendredi matin en gare Saint-Laud, par le train 145 à 7h11.Ce fourgon qui ressemble en tout point à une voiture de corvée régimemaire, était sur un wagon plate-forme, maintenu par un câble et recouvert par une grande bâche du P.O. portant le numéro 45.101.Aussitôt à son arrivée, ce wagon a été placé au milieu d’une rame et garé entre deux autres rames sur les voies près du quai allant à la poste. Il fut une partie de la journée l’objet de la curiosité de nombreuses personnes qui, en fraude, se glissèrent sur les quais en passant par la petite ligne de l’Anjou. D’autres stationnaient sur la passerelle qui était noire de monde.

L’arrivée de Deibler et de ses aides
Les bois de justice arrivent à la gare Saint-Laud par le train 145 à 7h11
Deibler, l’exécuteur des arrêts criminels et ses aides, ont débarqué en gare Saint-Laud, par l’express de 14h17, de Paris-Orléans.
Aussitôt ils ont gagné la cour de la gare en passant par le hall des marchandises afin de ne pas être reconnus et se sont dirigés vers l’Hôtel des Voyageurs où ils prirent possession des chambres qu’ils avaient retenues par téléphone.
Après un peu de toilette, Deibler monta dans un taxi et se fit conduire au parquet général où, à 15h30, il fut reçu par M. Cruvillé, Procureur général. A ce haut magistrat, il présenta le réquisitoire et les pièces qui lui avaient été remises par le garde des Sceaux en vue de l’exécution de Pierre Gueurie.
De là, il alla place de la pri¬son où rapidement il examina l’emplacement sur lequel se dressera la guillotine.
Cet emplacement a été choisi près de la grande porte, à droite de l’entrée principale du côté du faubourg Saint-Michel.

(À suivre)

Récit du dernier guillotiné en public à Angers (4)

4ème épisode de ce guillotiné en public à Angers mis en ligne par le Pasteur Bernard Delépine, qui fut aumônier protestant durant 24 ans à la Maison d’Arrêt d’Angers

Nous poursuivons le récit que fait « Le Petit Courrier » dans ses éditions du 4 mars 1934 des derniers moments de Gueurie, le dernier guillotiné d’Angers. Cette fois, on est bien au lendemain des faits et le Petit Courrier peut raisonnablement en donner une relation exacte.

Nous avons donné succinctement dans notre numéro d’hier, sur l’exécution d’hier, de Pierre Gueurie, les informations qui nous ont été apportées jusqu’à la dernière heure, par notre service de reportage autorisé à pénétrer dans la prison. Les nécessités de notre tirage ne nous ont pas permis d’aller plus loin ; nous relatons donc ci-dessous les faits qui se sont déroulés depuis ce moment.
Disons tout de suite qu’à la surprise générale l’assassin de la petite Simone Sauleau fit preuve d’un remarquable courage, d’un sang-froid sans forfanterie qui impressionna vivement ceux qui en furent témoins.
Le repentir ? Ou la résignation aveugle à la fatalité? Il était totalement impossible de s’en rendre compte tant fut complète l’impassibilité de celui qui allait mourir.

Les curieux. Le service d’ordre
La pluie fine qui n’a cessé de tomber jusqu’à 4 heures du matin empêcha certainement bon nombre d’Angevins d’aller stationner place de la prison. La foule devint plus dense vers 5 heures du matin et fut tout à fait importante vers 6 heures.
Elle était évaluée à 4.000 personnes. Il y avait des gens à toutes les fenêtres et même sur les toits.
Grâce au parfait service d’ordre organisé d’une part par la police sous les ordres de M. le commissaire central et d’autre part par le commandant Mahé et le capitaine Pougnant de la gendarmerie, il n’y eut aucun incident.
Des groupes de personnes furent même autorisés à stationner sur la place.
Chacun veut voir lorsqu’arrive la guillotine. Les femmes sont les plus curieuses.
La sinistre machine fut montée sans bruit sous la surveillance de Deibler, appuyé à l’arrière de son fourgon. Aucune parole n’est prononcée entre les aides.

La cellule N° 9 Le réveil
La guillotine est presque installée lorsqu’arrivent sur la place les personnalités judiciaires.
M. l’avocat général Zollinger demande à M. Deibler s’il est bientôt prêt et, sur sa réponse affirmative, il pénètre dans la prison, suivi de MM. Causse, juge d’instruction ; Pichot de Champfleury, conseiller à la Cour qui fit l’instruction de l’affaire ; Me Pecquereau, défenseur de Gueurie ; Docteur Montier médecin de la prison ; Bouvet, greffier en chef ; Boucher, greffier de la Cour ; Fronteau, greffier de M. le juge d’instruction et Me Perrin, avocat de la partie civile.
Sont également présents : MM. Belliard, secrétaire général de la préfecture ; Vivant, chef de cabinet de M. le préfet ; Guy, attaché au Parquet général et les représentants de la presse.
Les magistrats sont reçus par M. Guibert, gardien chef et par M. le chanoine Uzureau, aumônier de la prison.
Ensemble ils se dirigent vers la galerie Ouest et ils s’arrêtent en face la cellule n° 9. C’est celle de Gueurie. Deux gardiens sont de chaque côté. Le gardien chef en ouvre la porte.
Gueurie dort profondément et ce ne fut que lorsque son avocat lui frappa sur l’épaule qu’il s’éveilla.

Puisqu’il faut y aller…
M. l’avocat général lui annonça alors que son pourvoi et son recours en grâce avaient été rejetés et que le moment était arrivé pour lui d’expier ses crimes. «Ayez du courage» ajouta t-il.
– J’en aurai, répondit Gueurie : puisqu’il faut y aller, j’irai !
Me Pecquereau s’approche alors de Gueurie et l’invite lui aussi à avoir du courage. Gueurie le remercie et l’embrasse, puis il demande ses vêtements civils car il désire s’habiller comme le jour où il comparut devant ses juges.
Gueurie est aidé par ses deux gardiens. Une fois habillé et peigné, il demande à son avocat de lui procurer du papier pour qu’il puisse faire ses adieux à sa femme.
Notre rédacteur lui fournit volontiers cette feuille de papier. Gueurie griffonne alors quelques mots et prie le gardien chef de joindre cet écrit aux lettres, images et photographies qu’il détient et de les adresser à sa femme. Le gardien chef le lui promet.

Depuis sa condamnation à mort, Gueurie a écrit fréquemment à sa femme, mais jamais il n’a fait allusion à ses crimes.
Dans chacune de ses lettres il la priait seulement de bien élever son enfant et de lui donner de ses nouvelles. Mme Gueurie lui répondit quelques fois.
D’autre part, Gueurie, assez loquace, ne parla pas plus à ses gardiens des faits qui lui valurent sa condamnation.
Gueurie déclare qu’il n’a aucune révélation à faire, ce qui permet à M. Causse, juge d’instruction et son greffier M. Fronteau, de se retirer dans la galerie.

(à suivre)

But

Ce site est celui de Bernard Delépine, pasteur-fondateur d’églises ; d’actions sociales ; aumônier protestant en milieu carcéral, de la santé physique et mentale, aux Armées ; … pour ne citer que ces quelques aspects de ses engagements.

Le but principal de ce site n’est pas la mise en avant d’une personne mais d’ENCOURAGER toutes celles qui viendront lire les diverses rubriques.

L’idée du site est de présenter un itinéraire particulier, des résiliences concrétisées, des facettes très diverses de la vie humaine,…

 

POUR QUI ?

Ce site est destiné à « monsieur, madame, mademoiselle tout le monde », chacun – croyant ou non – pourra y trouver matière à réflexion.En effet, Bernard a le regard et le cœur tournés vers chacun.

Le statut social importe guère, il se sent à l’aise avec le SDF, le détenu, le laisser pour compte comme il l’est avec le Ministre, le Préfet, le Maire. Pour lui, avant le statut social, la personne reste une personne…

Qu’importe si la personne est religieuse et de quelle religion,qu’importe si elle est athée ou agnostique. Il a été vers chacun, dans les rues, dans les prisons, à l’hôpital ou ailleurs… Pour lui, avant son mode de pensée, une personne reste une personne…

La différence de culture est une richesse si nous ne sommes pas enfermés dans la nôtre, ainsi il s’est senti à l’aise dans la brousse, en Afrique comme en Guyane. Lorsqu’il demande à une personne d’où elle vient, c’est le plus souvent pour être enrichi de sa culture, de son vécu ailleurs car avant sa culture, une personne reste une personne, une personne intéressante !

… Une personne avec ses joies, ses souffrances, son parcours, ses émotions, ses traumatismes, ses doutes, sa fragilité, ses carences, voire sa vanité. Qui peut prétendre être un surhomme ou une sur-femme ? On peut avoir un statut social et professionnel très élevé, bien en vue, avoir des moyens financiers considérables, on reste néanmoins une personne vulnérable… comme tout à chacun ! A l’opposé, celui qui a l’impression d’être « tombé si bas qu’il a atteint le fond de la déchéance et du rejet », reste qu’il a encore de la valeur, digne d’être aimé et apprécié !

 

Pour-quoi

Il y a une telle différence entre le « pourquoi » et le « pour-quoi ». Si le premier est une interrogation qui suscite une réponse – que l’on ne reçoit pas toujours et parfois jamais – le second a une connotation plus particulière dans le style « qu’est-ce que je vais bien pouvoir tirer comme enseignement pour ma vie ou celle des autres au travers de ce que je vois, j’entends, je ressens, je fais, je vis… Comment rendre positif pour moi-même et les autres ce qui m’arrive au quotidien, même les situations les plus compliquées ou dramatiques. Pour ne prendre que le seul exemple de la souffrance, Bernard a la conviction qu’elle ne doit jamais être stérile mais porteuse d’espérance et elle le peut … si on ne s’enferme pas dedans mais qu’on s’en libère…

 

En tout cela, plus qu’une démarche philosophique, c’est un style de vie qu’il vous invite à découvrir dans ce site.