Des matches de foots en prison organisés par le pasteur (2)

Une équipe de foot étrangère, hier à la maison d’arrêt d’Angers. – Anglais contre détenus : match nul

Un match de foot un peu particulier. À la maison d’arrêt d’Angers, des détenus ont affronté une équipe anglaise protestante, hier. Une petite bouffée d’oxygène, à l’initiative de l’aumônier protestant Bernard Delépine.
On les aura !
9 h 30, hier, à la maison d’arrêt d’Angers. L’équipe de foot des détenus est remontée à bloc. Elle s’apprête à affronter des joueurs anglais de haut niveau, professionnels pour certains. Pas impressionnés pour autant, les joueurs locaux, tout excités. « On les aura, assure l’un d’entre eux, qu’ils soient pro ou pas. » Le match va se dérouler sur le terrain de hand-ball. Un peu petit, mais il faut faire avec les moyens du bord.
Coup de sifflet. La partie s’annonce serrée. « Certains détenus ont un très bon niveau », commente le moniteur de sport de la maison d’arrêt.
Mais les Anglais ne sont pas décidés à se laisser faire. Même s’ils sont en terre inconnue. «C’est la première fois que je mets tes pieds dans une prison, confie Lionel. C’est impressionnant.»
Même appréhension pour Richard. «Au départ j’avais un peu peur. Puis après, on se rend compte que c’est un lieu comme un autre. On a parlé avec les détenus. Ils sont très sympas.»
Sport et foi
Plus d’une dizaine d’Anglais se sont déplacés, membres de l’association internationale protestante « Sport et foi ». Ils sont venu, disent-ils,» To show thé good news ». Traduction : pour apporter la bonne nouvelle. Dans le cadre de leur tournée en France, Bernard Delépine l’aumônier protestant de la maison d’arrêt, leur a demandé de passer par là. «J’essaye d’organiser ce genre de rencontre une fois par an, dit-il. Les Anglais étaient déjà venus l’an dernier»

You played well !
Une véritable « bouffée d’oxygène » pour les détenus selon le pasteur. «Ça nous fait vraiment du bien de voir des gens de l’extérieur», confie en effet un prisonnier.
La maison d’arrêt compte actuellement 403 détenus, pour 247 places, selon la direction. Des tensions se font parfois sentir. Un gardien a été agressé cette semaine. «II y a toujours des périodes de tension, c’est normal. Et l’été, dit-il également, c’est encore plus dur pour les détenus qui étouffent de chaud. À la télé, ils voient les gens sur les plages, et eux sont enfermés là» dit Bernard Delépine
Surtout qu’à cette époque, les activités sont réduites. Pas de cours scolaires, pas de travail. Les détenus font donc beaucoup le sport. Une activité au choix, environ cinq à six heures par semaine. « C’est indispensable qu’ils puissent se défouler », dit un surveillant.

Et les Anglais leur en ont fourni une occasion supplémentaire, hier.
Des deux matchs, les invités en ont remporté un, et l’autre s’est terminé sur un score nul. Les Anglais, visiblement, ont apprécié le niveau. « You played well ! » (vous avez bien joué) concluait l’un d’entre eux, devant un verre de l’amitié, en serrant la main de son adversaire.
M.M.

Ballon derrière les barreaux (3)

Hier matin, l’équipe de football de la prison d’Angers rencontrait une autre formation de joueurs qui, eux, ne sont pas détenus. Ambiance de match pas ordinaire entre les barbelés.
SIFFLETS et cris amicaux sortent du néant. Ils semblent sortir des hauts murs coiffés de barbelés des galeries de la maison d’arrêt. En réalité, ils s’échappent des fenêtres à barreaux et grillagées des cellules où cohabitent souvent deux détenus. De l’extérieur, on ne les voit pas, mais on les entend donc !
Ces détenus, en ce vendredi matin, sont spectateurs d’un match de football pas ordinaire et supporters de leurs copains de tôle qui, ballon au pied, rencontrent une équipe d’hommes libres, ceux-là.
La partie a lieu sur le terrain de la prison, un terrain de handball, en béton, entre deux buts sans filet. Rien à voir avec la pelouse du SCO !
L’équipe visiteuse, des footballeurs espoir anglais, et l’équipe des détenus entament le match tambour battant.
Témoignage d’un joueur visiteur : « Je joue pour la première fois contre des prisonniers. Je n’aimerais pas vivre là ! » sourit Lionel, 19 ans, ex-joueur d’Angoulême. Avis d’un joueur détenu, domicilié à Joué-lès-Tours, qui a encore trois mois de peine à purger : « Le football, l’effort physique m’est indispensable ! »
« Se défouler à bon escient »
Le pasteur Bernard Delépine, de la communauté chrétienne du Colombier qui est l’église protestante baptiste d’Angers, aumônier depuis douze ans de la maison d’arrêt, est à l’origine de l’organisation, dans le cadre de l’opération « prévention été » du milieu pénitentiaire : « II est préférable de voir les détenus se défouler sur un ballon que sur leurs surveillants. »
Un autre projet, avec le Téléthon, est prévu. Bernard Delépine constate que l’été, le quotidien carcéral est plus difficile : « Les détenus regardent la télévision, voient des gens sur des plages où ils aimeraient bien être. »
Le directeur adjoint de l’établissement, M. Oliel, confirme : « La chaleur n’arrange rien. » Puis il rappelle que la surpopulation — 403 détenus pour 247 cellules — met tout le monde à cran, détenus comme le personnel. Et, la preuve, le sport bascule parfois dans la rubrique faits divers et justice.
Olivier POUVREAU