Récit du dernier guillotiné en public à Angers (2)

Le pasteur Bernard Delépine propose le 2ème épisode que faisait « Le Petit Courrier » des heures ultimes de la vie de Gueurie, dernier guillotiné d’Angers

Gueurie dans sa cellule espère sa grâce
Pierre Gueurie remonta vite son émotion et trois jours après il signait son pourvoi en Cassation.
Plus tard, en même temps qu’il apprenait que son pourvoi avait été rejeté, il fut avisé que son dossier avait été transmis à la Commission des grâces. Puis il n’entendit plus parler de rien. Et c’est vraisemblablement ce mutisme qui, jusqu’à la dernière minute, lui fit croire qu’il serait gracié. Dans sa cellule, il ne cacha pas qu’il avait confiance et qu’une fois à la Guyane il se conduirait bien et qu’il espérait revoir sa femme. Depuis dix jours surtout, il était devenu très loquace avec ses deux gardiens. Il chantait et jouait aux cartes.

Maître Pecquereau à l’Elysée
Ainsi que nous l’avions annoncé lundi dernier, M. le Président de la République (NDLR : Albert Lebrun) a reçu à l’Elysée Me Pecquereau, qui, aux Assises, avait défendu l’assassin. Sa réception a été empreinte d’une grande affabilité de la part du chef de l’Etat, qui, pendant plus d’une demi-heure le questionna sur les débats de l’affaire en Cours d’assises et lui demanda des renseignements sur la mentalité de Pierre Gueurie. M. le Président de la République le congédia ensuite sans lui avoir donné son avis. Hélas ! Dés son retour à Angers, Me Pecquereau ne se faisait guère d’illusion sur le cas de son client. Il ne s’était pas trompé ! Car jeudi, dans la nuit, nous étions avisés que les bois de justice partaient pour Angers

La guillotine en gare Saint-Laud
Le vieux fourgon – toujours le même depuis plus de 30 ans – contenant la guillotine, est arrivé vendredi matin en gare Saint-Laud, par le train 145 à 7h11.Ce fourgon qui ressemble en tout point à une voiture de corvée régimemaire, était sur un wagon plate-forme, maintenu par un câble et recouvert par une grande bâche du P.O. portant le numéro 45.101.Aussitôt à son arrivée, ce wagon a été placé au milieu d’une rame et garé entre deux autres rames sur les voies près du quai allant à la poste. Il fut une partie de la journée l’objet de la curiosité de nombreuses personnes qui, en fraude, se glissèrent sur les quais en passant par la petite ligne de l’Anjou. D’autres stationnaient sur la passerelle qui était noire de monde.

L’arrivée de Deibler et de ses aides
Les bois de justice arrivent à la gare Saint-Laud par le train 145 à 7h11
Deibler, l’exécuteur des arrêts criminels et ses aides, ont débarqué en gare Saint-Laud, par l’express de 14h17, de Paris-Orléans.
Aussitôt ils ont gagné la cour de la gare en passant par le hall des marchandises afin de ne pas être reconnus et se sont dirigés vers l’Hôtel des Voyageurs où ils prirent possession des chambres qu’ils avaient retenues par téléphone.
Après un peu de toilette, Deibler monta dans un taxi et se fit conduire au parquet général où, à 15h30, il fut reçu par M. Cruvillé, Procureur général. A ce haut magistrat, il présenta le réquisitoire et les pièces qui lui avaient été remises par le garde des Sceaux en vue de l’exécution de Pierre Gueurie.
De là, il alla place de la pri¬son où rapidement il examina l’emplacement sur lequel se dressera la guillotine.
Cet emplacement a été choisi près de la grande porte, à droite de l’entrée principale du côté du faubourg Saint-Michel.

(À suivre)