Récit du dernier guillotiné en public à Angers (3)

3ème épisode de ce guillotiné en public à Angers mis sur le site par le Pasteur Bernard Delépine, qui fut aumônier protestant durant 24 ans à la Maison d’Arrêt d’Angers

« Le Petit Courrier » dans ses éditons du 3 mars 34 raconte la fin de l’Angevin Gueurie qui fut le dernier guillotiné de Maine- et-Loire. Or, ce jour-là, le journal se livre à un petit subterfuge peu recommandable : il informe d’événements qui vont avoir lieu en prétendant en rendre compte. Les moins crédules de ses lecteurs s’en apercevront et certains s’en souviennent encore. Les lecteurs lisent en effet leur Petit Courrier en ce matin du 3 mars et on leur raconte par le menu des faits qui se sont produits le même jour entre trois heures et six heures trente.

La foule qui, les nuits précédentes, avait stationné aux abords de la prison, était des plus compacts vendredi, à partir de minuit.
Déjà, dans la journée, des centaines de personnes avaient circulé sur la place.
La police et la gendarmerie chargées du service d’ordre ne peuvent arriver à faire déblayer la place.

On crie : « A mort Gueurie »
Vers 3 heures du matin, la troupe fait son apparition et prend possession des abords de la place, mais avec difficulté, le public se refusant d’obtempérer.
Les gendarmes sont sous les ordres du commandant Mahé et du capitaine Pougnant, et la police est dirigée par M.Collart, commissaire central, secondé par MM. Geay, Dagonnet et Cardin, commissaires.
A 4 heures, le fourgon contenant la guillotine est amené sur la place par deux chevaux de la maison Lucas et Underberg. Il est aussitôt rangé près de l’endroit où doit s’élever la sinistre machine.
Son arrivée ne passe pas inaperçue par la foule qui fait entendre de vives clameurs.
A ce moment, on remarque que toutes les portes et fenêtres des immeubles entourant la place sont garnies de personnes qui avaient, pour une forte somme, loué leur emplacement.

Le montage de la guillotine
II est près de 5 heures lorsque M. Deibler et ses aides procèdent au montage de la guillotine, à environ trois mètres du portail du côté droit de la prison du côté du faubourg Saint-Michel.
Deibler, niveau d’eau en main surveille l’opération. Les aides s’éclairent avec des lampes électriques.
Le montage dure à peine trois quarts d’heure. Lorsqu’il est terminé, Deibler s’assure du bon fonctionnement de la « Veuve ».
A deux reprises différentes, il fait jouer l’énorme couperet -couperet en biseau d’un poids de 40 kilos – et s’assure sur un morceau de flanelle, qu’il est toujours bien tranchant.

Le réveil du condamné
Aussitôt la guillotine en place, Deibler se présente aux magistrats et annonce qu’on peut réveiller le condamné.
M. Zollinger, avocat général, assisté de Me Pecquereau, défenseur du condamné, de MM. Causse, juge d’instruction, Reliquet, substitut de M. le Procureur de la République, Bouvet, greffier en chef de la Cour d’Appel, Fronteau, greffier de M. le juge d’instruction pénètrent dans la cellule de Gueurie, dont la porte vient d’être ouverte, par ordre, par le gardien-chef Guibert.
M. le docteur Montier, médecin et le chanoine Uzureau, aumônier de la prison, sont présents.
Aussitôt après son réveil, M. Zollinger, avocat général, fait savoir à Gueurie que son pourvoi en cassation et son recours en grâce ont été rejetés : «L’heure de l’expiation, ajoute t-il, a sonné, ayez du courage. »
M. l’avocat général lui demande ensuite s’il a quelques révélations à faire.
Gueurie qui, jusqu’à la dernière minute s’était figuré être gracié, fut tellement émotionné qu’il fallut l’aider à s’habiller.
Il se confessa ensuite. De la chapelle il a été conduit par M. le chanoine Uzureau au greffe de la prison et remis entre les mains de Deibler qui signe la levée d’écrou ainsi libellée :
«Le Procureur général requiert le gardien chef de remettre à M. Deibler, porteur du présent, le nommé Gueurie Pierre qui doit être exécuté demain 3 mars 1934 à 6 h 15.
« Pour le Procureur général :
« Signé : Zollinger, avocat général »
« Reçu de M. le gardien chef de la prison d’Angers le nommé Gueurie Pierre pour être exécuté à mort.
«Angers, le 3 mars 1934.
« Signé : Deibler »

L’Exécution
Le bourreau et ses aides ont ensuite procédé à la toilette du condamné.
Sinistre opération qui dura à peine quatre minutes, puis Gueurie a été conduit à la guillotine.

(À suivre…)

Récit du dernier guillotiné en public à Angers (5 et dernier épisode)

5ème et dernier épisode de ce guillotiné en public à Angers et conclusion du Pasteur Bernard Delépine

Nous achevons aujourd’hui la publication du récit contenu dans les pages du « Petit Courrier » du 4 mars 1934 de la mort de Gueurie, assassin d’une petite fille angevine, sous le tranchant de la guillotine le 3 mars 1934.

Les magistrats et le défenseur quittaient également la cellule, pour permettre à M. le chanoine Uzureau de confesser Gueurie, car il le désire comme il désire entendre la messe.
A ce moment il est amené au milieu de la galerie principale et prend place sur une chaise que lui apporte le gardien-chef. A côté, debout, appuyé sur une autre chaise est Me Pecquereau.
Gueurie écoute l’office avec une grande attention et, malgré les chaînes qui lui entravent les jambes, il s’agenouille et il reçoit la communion.
La toilette
L’office terminé – ce qui ne dura pas moins d’un quart d’heure – Gueurie est conduit au greffe de la prison où il est remis entre les mains de Deibler. Toutefois, à ce moment, il sollicite de M. l’avocat général, l’envoi à sa femme du peu d’argent qui lui reste et de ses quelques bijoux.
Les aides l’empoignent et lui attachent les mains derrière le dos. Deibler lui coupe largement le col de sa chemise et en moins de dix minutes cette double opération est terminée.
Gueurie qui ne s’est pas départi de son calme ne veut rien, ni rhum, ni café, ni cigarette. Il suit docilement et même rapidement les aides qui le tiennent chacun par un bras.
Il descend seul les quatre marches qui conduisent à la cour d’entrée et se dirige vers le portail derrière lequel s’élève la guillotine.
Justice est faite
Arrivé à un mètre de ce portail, celui-ci s’ouvre.
Gueurie aperçoit alors la sinistre machine et a un mouvement de recul, mais celui-ci est à peine remarqué par les personnes présentes car les aides le poussent violemment sur la planche qui bascule. Le couteau tombe aussitôt et justice est faite. Il est exactement 6 h 30.
Des cris et des applaudissements partent de la foule.
Au cimetière de l’Est puis départ de la guillotine
Pendant que celle-ci, satisfaite, s’écoule, le panier contenant les restes de Gueurie est placé dans le fourgon et transporté au cimetière de l’Est.
Là, deux des aides enlèvent le corps pour le déposer dans un cercueil apporté pendant la nuit par le service des Pompes funèbres, puis Deibler prend la tête par les cheveux et la pose à côté des jambes.
Ceci fait, le fourgon et l’exécuteur des hautes œuvres reviennent place de la prison où, quelques instants après, la guillotine démontée est remise en place.
A 7 h 30, ce lugubre convoi était de retour à la gare Saint-Laud.
Il quitta Angers pour Paris à 15 heures.

L’acte de décès
Dans l’après-midi, le procès-verbal de cette exécution a été fait par le greffier en chef de la Cour d’Appel, puis la déclaration de décès a été faite à l’état-civil par M. Boucher, greffier. Dans l’acte de décès déposé par ce greffier il est dit que : « Pierre Gueurie a été mis à mort à 6 h 30 par l’exécuteur des hautes œuvres dans les formes prescrites par la loi. »

Réflexion du pasteur Bernard Delépine
Bien que « justice doit être prononcée et faite », il n’en reste pas moins vrai que ce récit de décapitation, devant une foule venue au spectacle et applaudir, a quelque chose de bestial dont on ne peut se réjouir. C’est vraiment « les jeux du cirque » d’antan dont se délecteraient encore aujourd’hui certains de nos contemporains bien-pensants !!!
Certes, il y a des victimes, il faut aussi prendre en compte leur préjudice. La condamnation au bagne comme il était aussi d’usage à l’époque, pouvait être une solution.
Pour avoir visité les bagnes de St Laurent et de l’Ile du Salut en Guyane, je peux dire de ce n’était pas la meilleure solution mais tout de même la moins pire au regard de ces décapitations
C’est aussi sans compter sur la possible prise de conscience du coupable et de son changement. Si si si c’est possible… je ne peux vous dire combien de personnes ayant privé la vie à une autre j’ai vu changer de mes yeux suite à notre accompagnement !
Personne n’est perdu à jamais, donc OUI à l’abolition de la peine de mort